Mon projet a un lien direct avec la mort et l’identité : en photographiant, modelant ou décrivant par le texte des personnes, on les fait aborder un nouveau statut, qui n’est plus celui de vivant mais qui devient pleinement celui de mort.
J’ai remarqué que l’on se souvient souvent plus des photos d'album que des visages des disparus. Les saisir par l’objectif ou la plume, c’est d’une certaine façon tuer les vivants en les réduisant à quelques informations.
Dans la malle où j’ai puisé photographies anciennes et idées, j’ai mis de côté une grande quantité d’autoportraits photographiques des années 40 de type Photomaton.
Je me suis réapproprié ces images d’inconnus et les ai recontextualisés en les mettant en scène dans un environnement suggestif afin de les sortir de leur fonction originelle d’identification.
Madame Hans
Madame Hans du cinquième étage est collectionneuse de porte-clé.
Elle a des portes-clés du bonheur, des portes-clés de la réussite, des portes-clés du paradis, des portes-clés des champs.
Monsieur Peter du quatrième étage est collectionneur de courants d’air. Sa collection est infinie. Il a des courants d’air de rien, courants d’air de musique, courants d’air d’opéra, courants d’air polaire, courants d’air conditionné.
Aujourd’hui Madame Hans et Monsieur Peter se sont mariés. Désormais, ils collectionnent des portes ouvertes, des clés de sol, des courants alternatifs, des aires d’autoroute, des portes de garage, des clés de problème, des courants continus et des ères quaternaires ! Drôle d’époque !
" Je vois l’homme caché dans la forêt, 2018 "
Photographie in-situ en forêt d’un Photomaton de 1942 réagrandi
Inspiré par A. Breton et Magritte, « Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt »
Photographie in-situ en forêt d’un Photomaton de 1942 réagrandi
Inspiré par A. Breton et Magritte, « Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt »
Madame Veuve Reserdorf
Ancienne institutrice, aujourd’hui elle vit presque seule. Derrière sa fenêtre, elle regarde les passants passer. Son Raymond, hier soir, a encore un peu abusé de Ricard, il s’est endormi après le 20 h.
Mme Reserdorf est aux économiques, la petite épicerie du quartier. Maintenant elle remonte l’escalier de son appartement. Elle n’a rien oublié de sa liste : Choco-rem, œufs, Ricard, cassis, madeleines, Ricard. Les soirées sont plus longues avec le Ricard de son Raymond. Le soir après le 20 h, elle se sent enfin revivre.
Ancienne institutrice, aujourd’hui elle vit presque seule. Derrière sa fenêtre, elle regarde les passants passer. Son Raymond, hier soir, a encore un peu abusé de Ricard, il s’est endormi après le 20 h.
Mme Reserdorf est aux économiques, la petite épicerie du quartier. Maintenant elle remonte l’escalier de son appartement. Elle n’a rien oublié de sa liste : Choco-rem, œufs, Ricard, cassis, madeleines, Ricard. Les soirées sont plus longues avec le Ricard de son Raymond. Le soir après le 20 h, elle se sent enfin revivre.
Léon
Il a bien fallu que j’identifie la droite de ma gauche
Il a bien fallu que j’apprenne les voyelles les consonnes
Il a bien fallu que je comprenne la trigonométrie
Il a bien fallu que j’apprenne à penser, compter, voter, lire l’heure
Il a bien fallu que je me reproduise,
Il a bien fallu que j’apprenne à vieillir et à ne rien oublier
Il a bien fallu que j’apprenne à mes gosses les mêmes choses
Il a fallu que j’oublie les clés de voiture
Il a fallu que j’oublie de couper le gaz,
Il a fallu que j’oublie mes gosses,
Il a fallu que j’oublie je ne sais plus quoi,
Il a fallu que je vieillisse,
Il a fallu que je m’oublie,
Tout ça pour ça.
Il a bien fallu que j’identifie la droite de ma gauche
Il a bien fallu que j’apprenne les voyelles les consonnes
Il a bien fallu que je comprenne la trigonométrie
Il a bien fallu que j’apprenne à penser, compter, voter, lire l’heure
Il a bien fallu que je me reproduise,
Il a bien fallu que j’apprenne à vieillir et à ne rien oublier
Il a bien fallu que j’apprenne à mes gosses les mêmes choses
Il a fallu que j’oublie les clés de voiture
Il a fallu que j’oublie de couper le gaz,
Il a fallu que j’oublie mes gosses,
Il a fallu que j’oublie je ne sais plus quoi,
Il a fallu que je vieillisse,
Il a fallu que je m’oublie,
Tout ça pour ça.
Didier Katz
Il a bien fallu que j’identifie la droite de ma gauche
Il a bien fallu que j’apprenne les voyelles les consonnes
Il a bien fallu que je comprenne la trigonométrie
Il a bien fallu que j’apprenne à penser, compter, voter, lire l’heure
Il a bien fallu que je me reproduise,
Il a bien fallu que j’apprenne à vieillir et à ne rien oublier
Il a bien fallu que j’apprenne à mes gosses les mêmes choses
Il a fallu que j’oublie les clés de voiture
Il a fallu que j’oublie de couper le gaz,
Il a fallu que j’oublie mes gosses,
Il a fallu que j’oublie je ne sais plus quoi,
Il a fallu que je vieillisse,
Il a fallu que je m’oublie,
Tout ça pour ça.
Il a bien fallu que j’identifie la droite de ma gauche
Il a bien fallu que j’apprenne les voyelles les consonnes
Il a bien fallu que je comprenne la trigonométrie
Il a bien fallu que j’apprenne à penser, compter, voter, lire l’heure
Il a bien fallu que je me reproduise,
Il a bien fallu que j’apprenne à vieillir et à ne rien oublier
Il a bien fallu que j’apprenne à mes gosses les mêmes choses
Il a fallu que j’oublie les clés de voiture
Il a fallu que j’oublie de couper le gaz,
Il a fallu que j’oublie mes gosses,
Il a fallu que j’oublie je ne sais plus quoi,
Il a fallu que je vieillisse,
Il a fallu que je m’oublie,
Tout ça pour ça.
Une légende s’efface, 2018
Reproduction de 4 Photomatons retouchés, format 42x60 sur la technique du mot-image
Le tueur au couteau
Ne pas oublier de couper le gaz, d’éteindre le four, de fermer les fenêtres, de tirer la chasse d’eau, d’aiguiser le couteau, de nettoyer la salle de bain, d’arroser la plante, d’effacer les traces de pas, de fermer la porte à clef, d’ouvrir la porte à clef, de ne pas faire de traces de pas, d’arroser la plante, de prendre un bain, de ranger le couteau, de tirer la chasse d’eau, d’ouvrir les fenêtres, d’allumer le four et d’ouvrir le gaz.
Raoul M
J’ai perdu la mémoire des mots
Une maille à l’envers, une maille à l’endroit
Des consonnes, des voyelles,
Des noms, des prénoms
Une maille à l’envers, une maille à l’endroit
J’ai perdu la mémoire des sons
Les paroles des chansons
Les musiques des paroles
Les lettres s’envolent
Une maille à l’envers, une autre à l’envers
J’ai perdu la mémoire de vous
Le parfum de vous
La voix de vous
Le son de vous
Une maille à l’envers, une autre à l’envers
Une autre à l’envers, une autre à l’envers
à l’envers
J’ai perdu la mémoire des mots
Une maille à l’envers, une maille à l’endroit
Des consonnes, des voyelles,
Des noms, des prénoms
Une maille à l’envers, une maille à l’endroit
J’ai perdu la mémoire des sons
Les paroles des chansons
Les musiques des paroles
Les lettres s’envolent
Une maille à l’envers, une autre à l’envers
J’ai perdu la mémoire de vous
Le parfum de vous
La voix de vous
Le son de vous
Une maille à l’envers, une autre à l’envers
Une autre à l’envers, une autre à l’envers
à l’envers